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Corrigé note de synthèse 2006
La
note de synthèse porte sur le thème suivant : « la responsabilité des magistrats », le dossier comporte 19 documents et 40 pages.
Le
thème de cette année ne paraît pas particulièrement difficile car il est d’actualité
et donc connu de tout un chacun. Mais il est assez subtil au regard de certaines
analyses. Les candidats doivent appréhender le régime classique de la responsabilité
des magistrats avec ses subdivisions mais aussi les pistes nouvelles de réflexion
sur la responsabilité des magistrats en cas de « mal jugé ».
L’une
des principales exigences que l’on peut attendre des candidats est de ne pas
être trop superficiel : les textes, les définitions de droit positif
doivent être cités et expliqués.
Les
copies doivent également comprendre uniquement les idées des documents de
la note de synthèse même si d’autres existent et sont connues des candidats.
Les
étudiants ont suivi un enseignement de méthodologie concernant l’exercice
de la note de synthèse et doivent connaître ses règles de base. Ces règles
concernent notamment:
-
la longueur du devoir (4 pages environ),
-
la nécessité d’exploiter tous les documents et de citer leur numéro dans le
corps du devoir,
-
l’exigence d’un plan apparent,
-
le respect d’une grande neutralité de ton (l’expression d’opinions personnelles
ainsi que l’utilisation d’éléments autres que ceux contenus dans les documents
sont interdites).
Le
non respect de ces règles doit faire l’objet d’une sanction, et ne peut permettre
à l’étudiant de recevoir une note supérieure à
la moyenne.
La forme et le
fond constituent un ensemble que les correcteurs doivent apprécier globalement.
Ainsi, dans un
souci de clarté vis à vis des étudiants, il vous est demandé de remplir intégralement
les fiches de correction proposées. Ces fiches sont extrêmement importantes,
elles permettent d’appréhender rapidement les « plus » et les « moins »
de la copie, et d’assurer une certaine cohérence dans les notations.
Une
correction type vous est proposée ; il s’agit essentiellement d’un exemple
qui n’a pas valeur de vérité absolue. Ce travail est destiné à vous aider
dans la correction des copies, et ne doit pas être considéré comme la seule
possibilité.
Avec
tous nos remerciements pour votre collaboration, l’IEJ vous souhaite de bonnes
corrections !
La responsabilité
des magistrats
La responsabilité
des magistrats de l’ordre judiciaire est difficile à mettre en œuvre en raison
du statut de la magistrature qui induit la nécessaire indépendance du juge
et du principe de l’autorité de la chose jugée qui impose exclusivement l’exercice
des voies de recours et ne permet pas l’action du justiciable contre le juge
(Doc. 9, 12).
Mais,
le champ d’intervention du juge s’est considérablement élargi de sorte que
l’on assiste à une juridictionnalisation de la vie sociale (doc.9), certains
estiment alors utile de repenser la question de la responsabilité des magistrats
(doc.16).
En effet,
cette dernière ne peut être directement engagée par les justiciables, l’Etat
étant seul responsable des dysfonctionnements
du service public de la justice. Néanmoins, la responsabilité directe des
juges peut être recherchée sur différents fondements qui apparaissent insuffisants
à certains. On constate ainsi un effacement de la responsabilité du juge derrière
celle de l’Etat (I) et, en parallèle, la revendication d’une responsabilité
directe et effective des juges (II).
I/ L’effacement de la responsabilité du juge derrière celle
de l’Etat
ou
L’irresponsabilité du juge face au justiciable
Dans
certains domaines prévus par la loi, l’Etat est responsable sans faute constatée,
c’est en particulier le cas des détentions provisoires injustifiés ou de révision
en matière pénale ou dans le domaine des personnes sous tutelle (doc. 12).
Plus
généralement, la responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de « fonctionnement
défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que
par une faute lourde ou un déni de justice » (article L. 781-1 du
COJ, doc.2).
La responsabilité
de l’Etat peut donc être engagée à certaines conditions et l’Etat peut alors
se retourner contre le magistrat, dans le cadre d’une action récursoire (article
11-1 de l’ordonnance de 1958 portant statut de la magistrature, doc.2).
A/ La responsabilité de l’Etat
L’Etat
est tenu de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du
service de la justice et sa responsabilité ne peut être engagée qu’en raison
d’une faute lourde ou d’un déni de justice.
Le déni
de justice s’entend « non seulement du refus de répondre aux requêtes
ou le fait de négliger les affaires en l’état de l’être, mais aussi, plus
largement, tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridictionnelle
de l’individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer
sur ses prétentions dans un délai raisonnable » (pour exemple, TGI
Paris 5/11/1997, Doc. 3). La jurisprudence retient ainsi comme déni de justice
le délai déraisonnable voire anormal, lorsqu’il n’est pas justifié par la
complexité de l’affaire ou l’encombrement des tribunaux (Doc. 3 et 7).
Quant
à la faute lourde, elle a fait l’objet d’une évolution importante.
La conception
classique de la faute lourde était restrictive n’impliquant que rarement la
responsabilité de l’Etat, cette interprétation se justifiait par l’indépendance
du juge imposant une certaine immunité
à l’égard du justiciable.
La jurisprudence
définissait alors la faute lourde comme celle « commise sous l’influence
d’une erreur tellement grossière qu’un magistrat normalement soucieux de ses
devoirs n’y aurait pas été normalement entraîné » (Doc. 12).
Ainsi, la jurisprudence retenait rarement la faute lourde (pour exemple Civ.1ère
13/10/1998, Doc. 4, à l’inverse Paris 25/11/2000, Doc.5) et, outre l’exercice
des voies de recours, le justiciable n’avait pas de système de réparation.
Sous
l’influence des droits et libertés fondamentaux consacrés en particulier par
la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Cour de cassation
a admis la compatibilité de l’article L. 781-1 du COJ avec l’article 6§1 de
la CEDH et de ce fait opéra un revirement quant à la notion de faute lourde
(Doc. 12).
L’assemblée
plénière, dans un arrêt du 23/02/2001, élargit la notion de faute lourde à
« toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits
traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission
dont il est investi » (Doc. 6), ce qui aboutit à engager la responsabilité
de l’Etat plus facilement. A l’inverse le juge d’instruction ne commet pas
de faute lourde engageant la responsabilité de l’Etat en sollicitant des informations
sur une société déjà en liquidation (doc.8).
Ayant
une position plutôt isolée, M. Sarkozy propose de retenir la faute simple
afin d’engager encore plus facilement la responsabilité de l’Etat (Doc.16).
J.C.
Magendie suggère quant à lui d’articuler l’action en responsabilité de l’Etat
et l’action disciplinaire et pour ce faire de communiquer les décisions en
matière de responsabilité de l’Etat aux chefs de cours et au conseil supérieur
de la magistrature en vue d’une éventuelle responsabilité disciplinaire. Il
propose également que les magistrats concernés par une action en responsabilité
de l’Etat en soient informés et puissent faire valoir leur point de vue (doc.
10).
B/ L’action récursoire de
l’Etat contre le magistrat
Aux termes
de l’article 11-1 de l’ordonnance de 1958 portant statut de la magistrature
les juges de l’ordre judiciaire ne sont responsables que leur faute personnelle
et lorsqu’une telle faute se rattache au service public de la justice, leur
responsabilité ne peut être engagée que sur l’action récursoire de l’Etat.
J.C.
Magendie relève le caractère inadapté de cette action récursoire ainsi que
ses inconvénients techniques et pratiques (Doc. 10) ; aussi l’auteur
rejette l’idée d’engager automatiquement l’action récursoire contre le magistrat
ayant commis une faute lourde contrairement à M. Pradel (doc.11) et à M. Sarkozy
(doc.16).
L’articulation
entre l’action en responsabilité de l’Etat et l’action récursoire de l’Etat
contre le magistrat conduit aujourd’hui à un paradoxe. En effet, le nombre
d’actions en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux de la
justice est en constante augmentation (doc. 10) - 570 affaires sont en cours
devant le TGI de Paris (Doc. 17) -, or, l’action récursoire de l’Etat contre
le magistrat ayant commis une faute personnelle, se rattachant au service
de la justice, n’est jamais exercée (doc.16, 17).
Cette
apparence d’absence de sanction du juge est contestée par une opinion de plus
en plus déçue par la justice et en recherche d’une responsabilité directe
et effective des juges.
II/ La revendication d’une responsabilité directe et effective
des juges
ou
La responsabilité directe des magistrats
Le juge
qui commet une infraction pénale engage sa responsabilité pénale comme tout
citoyen (Doc.11, 16), il n’y a aucune spécificité sauf lorsque les faits incriminés
touchent à l’exercice de la fonction. Le Comité consultatif des juges européens
estime alors que la responsabilité pénale du magistrat ne peut être engagée
que pour ses fautes intentionnelles (doc.15).
Le juge
qui manque « aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse
ou à la dignité » commet une faute disciplinaire (art.43 ord. 1958
portant statut de la magistrature, doc.1) appréciée et sanctionnée par le
conseil supérieur de la magistrature.
Mais
en cas d’erreur d’appréciation dans la prise d’une décision juridictionnelle
causant un dommage à un justiciable, le juge échappe à toute responsabilité.
Le mal jugé échappe actuellement à toute responsabilité.
A/ La responsabilité disciplinaire
La responsabilité
disciplinaire relève de la compétence du Conseil supérieur de la magistrature
(CSM) dont les décisions sont publiques depuis 1999 (doc.17).
La saisine
du CSM en matière disciplinaire a fait l’objet d’une évolution importante
ayant un impact sur le volume des affaires disciplinaires.
- Jusqu’en 2001, seul le ministre de la justice avait le
pouvoir de poursuivre un magistrat devant le CSM (Doc.10, 17). Depuis, les
chefs de cour disposent également de ce pouvoir, ce qui constitue un indéniable
progrès. Le Procureur général près la Cour de cassation, J.L.Nadal, propose
d’aller plus loin en permettant au chef de cour auteur de la saisine d’articuler
lui-même ses griefs devant le CSM (doc. 13).
Certains évoquent une saisine plus large du CSM en matière
disciplinaire (doc. 13), idée combattue par J.C. Magendie qui considère inopportun
de permettre aux justiciables d’engager la responsabilité disciplinaire d’un
magistrat (doc. 10).
- Selon
le rapport du Conseil supérieur de la magistrature pour 2005, durant la période
du 1er novembre 2004 au 31 décembre 2005, la formation du siège
a été saisie à six reprises, quant à celle du parquet à trois reprises. Les
insuffisances professionnelles à l’encontre des magistrats dans leur activité
ou dont les décisions ne sont pas rendues dans un délai raisonnable constituent
les fautes disciplinaires les plus nombreuses.
Une interdiction
temporaire d’exercice a été prononcée et six décisions ont été rendues au
fond (Doc. 14).
Le CSM relève son absence de laxisme au regard
du niveau des sanctions qu’il inflige, et constate qu’il ne peut pas s’autosaisir.
Néanmoins,
certains estiment que le nombre de sanctions disciplinaires est très faible
(doc. 16) et que par conséquent ce régime de responsabilité disciplinaire
est peu efficace.
Un projet
de loi envisage de créer une nouvelle faute disciplinaire en cas d’erreurs
grossières et manifestes d’appréciation (doc.18). Mais les syndicats de magistrats
craignent une dérive de leur système de responsabilité et s’opposent à une
responsabilité disciplinaire et civile pour leurs actes juridictionnels (Doc.
18 et 19), ce qui pose la question du mal jugé.
B/ La faute dans l’acte de
juger ou le mal jugé
Actuellement,
le magistrat est irresponsable en cas d’erreur d’appréciation dans sa prise
de décision juridictionnelle alors même que « le mal jugé » du juge
entraînerait un dommage pour le justiciable. Seul l’exercice d’une voie de
recours est possible (doc.13, 17) et est préconisée par le Comité consultatif
des juges européens (Doc.15).
J.L.
Nadal ajoute que cette grave erreur du juge concerne aussi le fonctionnement
même de l’institution judiciaire, c’est pourquoi il propose de renforcer la
formation des magistrats au sein de l’Ecole nationale de la magistrature,
d’améliorer leur évaluation et d’ajuster leur affectation en fonction de leurs
compétences (doc.13).
J. Pradel
défend également l’irresponsabilité du juge pour l’acte juridictionnel car
la poursuite d’un juge pourrait porter atteinte à son indépendance, en outre,
beaucoup de décisions sont rendues de manière collégiale, il est donc impossible
de savoir qui a commis la faute et enfin un tel système nuirait à l’image
de la justice (doc.11).
En dépit
d’une vive opposition des magistrats à réformer leur responsabilité (doc.
18, 19), la question est posée, fait débat et certains notent qu’en Belgique
les juges sont responsables personnellement pour leurs actes juridictionnels
et que cela ne fait pas de difficulté (Doc. 16).