EXEMPLE DE PROCEDURE D'INSCRIPTION DE FAUX EN PRINCIPAL RENDANT AUTOMATIQUEMENT LES ACTES NULS
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 Fasc. 4634 : SAISIE-CONTREFAÇON. – Recours après saisie-contrefaçon

 

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JurisClasseur Brevets

Fasc. 4634 : SAISIE-CONTREFAÇON . – Recours après saisie-contrefaçon

Date du fascicule : 31 Décembre 2010

Date de la dernière mise à jour : 25 Février 2015

Jean-Pierre Stenger - Docteur en droit - Avocat honoraire au barreau de Paris

Mises à jour

Mise à jour du 25/02/2015 - §51. - Présentation inexacte de la portée du brevet

Mise à jour du 25/02/2015 - §53. - Certificats d'obtention végétale et incompétence territoriale de l'huissier instrumentaire portant nullité des procès-verbaux de saisie

Mise à jour du 25/02/2015 - §59. - Intervention des experts assistant l'huissier

Mise à jour du 25/02/2015 - §119. - Récolte d'informations secrètes

Mise à jour du 25/02/2015 - §132. - Saisie injustifiée. Absence d'abus

Mise à jour du 25/02/2015 - Bibliographie.

Points-clés 

Seules peuvent être arguées de faux les énonciations du procès-verbal de saisie par lesquelles l'huissier relate ce qu'il a pu constater par lui-même (V.n° 3 et 4 ).

La nullité de la saisie pour défaut d'assignation dans le délai prescrit est unenullité de plein droit qui peut être relevée à tout moment de la procédure et même en l'absence de grief (V. n° 34 ).

La saisie-contrefaçon est frappée d'une nullité de fond quand l'huissieroutrepasse les limites de l'autorisation donnée par l'ordonnance (V. n° 59 à 61 ).

Le défaut de remise préalable au saisi d'une copie de l'ordonnance est une cause de nullité de forme, qui est subordonnée à la preuve d'un préjudice (V.n° 74 ).

La saisie-contrefaçon n'étant qu'un moyen de preuve parmi d'autres, sa nullité ne rend pas l'assignation nulle ni l'action en contrefaçon irrecevable (V.n° 104 ).

La nullité de la saisie-contrefaçon rend inadmissible la preuve au moyen du procès-verbal de saisie ou des pièces ou objets résultant de la saisie (V.n° 107 ).

Introduction

1. – En raison de son caractère exorbitant et des règles strictes qui la réglementent, la saisie-contrefaçon fait souvent l'objet de contestations. Différentes voies sont ouvertes pour cela. Il y a l'appel de l'ordonnance autorisant la saisie et la demande en rétractation devant le juge de la saisie (V. JCl. Brevets, Fasc. 4631, n° 84 à 112 ). Il y a ensuite d'autres recours devant le juge du fond. Ce sont l'inscription de faux, l'action en nullité de la saisie et l'action en réparation de saisie fautive ou injustifiée.

 

I. - Inscription de faux 

2. – La description que fait l'huissier dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon a la valeur d'un acte authentique (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 56 ). La présomption de preuve certaine qui s'y attache peut être renversée par l'inscription de faux. Elle serait aussi renversée dans le cas où la juridiction pénale retiendrait le délit de faux de l'article 441-4 du Code pénal . Mais cette voie suppose la mise en cause de l'huissier et une fraude de celui-ci à l'encontre du saisi et n'est donc jamais utilisée.

 

A. - Champ d'application 

3. – Seules peuvent être arguées de faux les énonciations de l'huissier qui font foi jusqu'à inscription de faux, c'est-à-dire celles par lesquelles il relate ce qu'il a personnellement vu, fait ou entendu.

 

4. – Constatations, non appréciations – Dans la relation de ce qu'il a vu, la présomption de preuve ne s'attache qu'aux constatations de faits matériels et non aux appréciations personnelles de l'huissier. Ainsi jugé dans un cas dans lequel l'huissier avait attribué à une entretoise reliant des banches la fonction d'absorption de la poussée hydrostatique du béton, alors que celle-ci est absorbée par des boulons traversants passant dans des trous au travers des banches, visibles sur les photographies de la saisie (TGI Paris, 8 oct. 1987 : PIBD 1988, n° 429, III, p. 101) :

 

Pour le ministère public, la phrase contestée ne relevant pas du domaine des constatations faites par l'huissier, mais d'un raisonnement effectué par lui à partir de celles-ci, il n'y a pas lieu sur ce point à la procédure d'inscription en faux ; ceci exposé, si les photographies prises lors du procès-verbal de saisie montrent, ce qui n'est pas indiqué dans la description, des trous ménagés à intervalles réguliers dans les banches pouvant être destinés à des boulons traversants, la présence d'un moyen horizontal de liaison n'est pas contestée ni contestable ; le fait que cette entretoise puisse ou non avoir pour fonction d'assurer l'absorption de la poussée hydrostatique du béton relève de la discussion au fond et n'appartient pas aux constatations faites par l'huissier qui n'a pas vu le coffrage en fonctionnement ; il ne s'agit que d'intuitions techniques qui ne sont pas de sa compétence et n'ont aucune valeur particulière...

De même lorsque l'huissier sort des simples constatations matérielles pour écrire que la machine qu'il décrit reproduit celle qui est protégée par le brevet, empiétant ainsi sur le rôle du juge. Ainsi jugé (CA Paris, 4 avr. 1991 : PIBD 1991, n° 507, III, p. 521) :

 

Considérant que s'il est exact que l'huissier s'est mépris sur sa fonction en écrivant, après sa description, que la machine décrite reproduit celle protégée par le brevet, cette notation qui est dénuée de toute portée ne saurait nuire à quiconque et donc vicier le procès-verbal où il convient seulement de la considérer comme non écrite.

Quand l'huissier précise l'opinion divergente du saisi à propos d'une constatation matérielle qu'il a notée, celle-ci perd du fait de cette divergence sa précision et sa valeur probante et sort du domaine de l'inscription de faux, le juge de la contrefaçon ayant à arbitrer entre les deux appréciations (TGI Paris, 22 nov. 1996 : PIBD 1997, n° 628, III, p. 137).

5. – Erreurs – En ce qui concerne les termes employés par l'huissier dans sa description, on doit laisser à l'huissier un droit à l'erreur dans la qualification (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 58 ). Les termes techniques qu'il emploie ne peuvent préjuger de l'existence d'une contrefaçon, dont l'appréciation n'appartient qu'au juge du fond(Cass. com., 8 juill. 1958 : Bull. civ. 1958, III, n° 303). Jugé que onze erreurs matérielles non contestées conduisent seulement à vider de force probante les passages comportant des erreurs d'expression (TGI Paris, 13 mars 1998 : RD propr. intell. 1998, n° 85, p. 29). Jugé qu'une inexactitude dans la description, en l'espèce l'extension erronée d'une description à un modèle dit "513", du reste non contestée par le demandeur, entraîne un retrait du procès-verbal (TGI Paris, 31 oct. 2003 : PIBD 2004, n° 782, III, p. 151).

 

6. – Relation de déclaration – Bien qu'il soit possible d'arguer de faux la relation de ce que l'huissier déclare avoir entendu, il n'y a en pratique pas d'intérêt à le faire, parce que la présomption de preuve ne s'attache pas au contenu des déclarations que l'huissier note avoir entendues, mais seulement sur le fait qu'il les a entendues. En particulier, quand l'huissier transcrit les déclarations de l'homme de l'art qui l'assiste, celles-ci n'ont en elles-mêmes que la valeur de simples témoignages recueillis par l'expert (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 60 ).

 

7. – Bonne foi sans portée – Le faux réside seulement dans l'inexactitude. Il n'y a pas à rechercher, comme en matière pénale, si l'huissier ou la partie qui se prévaut du procès-verbal ont agi de mauvaise foi.

 

B. - Preuve du faux 

8. – Impossibilité de constater – On prouve le faux en démontrant que l'huissier n'a pas pu vérifier lui-même les faits matériels qu'il a déclaré constater (TGI Paris, 22 nov. 1996 : PIBD 1997, n° 628, III, p. 137. – TGI Paris, 6 oct. 2000 : PIBD 2001, n° 713, III, p. 52 ; RTD com. 2001, p. 695, J.-Ch. Galloux). Ainsi jugé dans une espèce dans laquelle le brevet invoqué portait sur un dispositif de mise en place et d'extraction de bouchon de bouteille (CA Nancy, 12 mars 1991 : RD propr. ind. 1991, n° 34, p. 30) :

Attendu que l'huissier saisissant ne disposant pas de bouteille et n'ayant pas effectué l'opération de bouchage au moyen du dispositif allégué de contrefaçon n'a pu constater par lui-même ce qu'il a décrit dans son procès-verbal ; que même si le positionnement de l'extracteur pour retirer le bouchon par traction n'est pas exclusif d'une éventuelle fonction complémentaire d'étirement longitudinal du dit bouchon, l'huissier ne pouvait nullement constater l'étirement du bouchon ; qu'il a seulement pu constater l'existence d'une partie lisse faisant suite à la partie filetée de l'extracteur, ainsi que d'un espace entre l'épaulement de cet extracteur et la collerette du bouchon, mais que cela ne pouvait lui permettre d'en déduire et a fortiori de constater un étirement longitudinal du bouchon avec une poussée sur le fond de celui-ci ; qu'il n'a pas pu se référer d'autre part au dessin n° 2 figurant sur le sachet saisi, le dit sachet ne lui ayant été remis qu'après qu'il ait effectué ses constatations, ainsi que l'indique la chronologie du procès-verbal ; qu'ainsi les constatations rapportées au procès-verbal de saisie-contrefaçon n'ont pu être opérées par l'huissier lui-même et que dès lors l'inscription de faux incidente formée par les sociétés Duhalle et Delatour est bien fondée (...).

Jugé dans le même sens, à propos d'un système de blocage de l'articulation reliant les deux éléments d'une charrue :

CA Rennes, 21 nov. 1995  : PIBD 1996, n° 605, III, p. 95.

Considérant que le passage du procès-verbal de saisie, argué de faux et objet du présent litige, est le suivant : "le réglage des poussoirs permet de précompresser plus ou moins fortement les blocs de caoutchouc élastomère qui assurent un blocage ou verrouillage du second élément de la perche par rapport au premier, en particulier lorsque, pour le transport ou le retournement, le premier élément est levé par le tracteur auquel la charrue est attelée" ; que ces énonciations, formant un ensemble indissociable, ne résultent pas de constatations personnelles de la part des huissiers de justice instrumentaires, bien que présentées et formulées comme telles à l'endroit spécifique du procès-verbal de saisie-description qui est le leur ; que les explications et photographies figurant à ce procès-verbal démontrent que la charrue examinée n'était pas attelée à un tracteur ; qu'ainsi et faute de toute expérimentation, les officiers ministériels n'ont pu vérifier par eux-mêmes le système de blocage ou verrouillage décrit ; que les constatations relatées au sujet de ce système, qui n'a pas été vu en fonctionnement, sont inexactes ; que contrairement à ce qui est indiqué, elles n'ont pas été effectuées "lorsque, pour le transport ou le retournement, le premier élément est levé par le tracteur auquel la charrue est attelée" ; qu'à bon droit le tribunal a déclaré fausses les énonciations critiquées pour ne pas avoir été vérifiées par les huissiers de justice instrumentaires et estimé recevable comme fondée la procédure eninscription de faux incidente (...) ; que contrairement aux assertions de l'appelante, les énonciations incriminées, intrinsèquement viciées, ne peuvent être complétées ou interprétées à la lumière de notices et documents techniques externes (...).

9. – Photographies annexées – La preuve du faux peut aussi résulter des photographies annexées au procès-verbal qui contredisent les faits affirmés par l'huissier (TGI Paris, 8 oct. 1987 : PIBD 1988, n° 429, III, p. 101. – TGI Paris, 22 nov. 1996 : PIBD 1997, n° 628, III, p. 137. – TGI Paris, 19 mars 1999 : PIBD 1999, n° 685, III, p. 437). Ainsi jugé alors que le procès-verbal indiquait qu'une machine comprenait une surface d'appui fixe, plane et verticale, et une surface de pression mobile par rapport à la surface d'appui fixe et parallèle à cette dernière, tandis que les photos annexées faisaient apparaître que la surface d'appui n'était ni plane, ni verticale et ne pouvait donc pas être parallèle à la surface de pression (TGI Paris, 19 mars 1999, préc.).

 

C. - Voies procédurales 

10. – La partie qui veut s'inscrire en faux peut le faire de deux manières : soit en formant un incident de faux dans l'instance en contrefaçon déjà pendante, soit en exerçant une action principale en faux. Dans les deux cas, l'inscription de faux donne lieu à communication au ministère public (CPC, art. 303 ). Le juge peut ordonner l'audition de l'huissier qui a dressé le procès-verbal (CPC, art. 304 ) ou une mesure d'instruction (CPC, art. 308, al. 2, art. 316 et 291, al. 1er). Le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile pouvant aller jusqu'à 3000 € et peut l'être à des dommages-intérêts s'ils sont réclamés (CPC, art. 305 ).

 

1° Incident de faux 

11. – Textes – L'inscription de faux incidente est régie par les articles 306 à 312 du Code de procédure civile , qui s'appliquent au cas où la contestation est portée à titre d'incident dans l'instance en contrefaçon déjà pendante au cours de laquelle le demandeur s'est prévalu du procès-verbal de saisie.

 

12. – Formalités – La partie qui veut saisir le tribunal de l'incident doit accomplir deux formalités. La première est la remise au greffe du tribunal, par la partie elle-même ou son mandataire muni d'un pouvoir spécial, d'un acte qui est l'inscription de faux, établi en double exemplaire et articulant avec précision les moyens invoqués pour établir lefaux. L'un des exemplaires est versé au dossier de l'affaire pendante devant le tribunal. L'autre exemplaire est restitué en vue de la dénonciation de l'inscription au défendeur. Cette seconde formalité doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l'inscription (CPC, art. 306 ).

 

Après l'échange des écritures et pièces, le tribunal peut à son gré statuer sur l'incident à titre préjudiciel ou joindre l'incident au fond.

13. – Pouvoirs du juge – Le tribunal a un pouvoir important. Il peut ne pas se prononcer sur le faux dès lors qu'il estime qu'il peut statuer sur la demande en contrefaçon sans tenir compte de la pièce arguée de faux (CPC, art. 307, al. 1er ). Quand il se prononce sur le faux, le juge admet ou rejette l'acte litigieux (CPC, art. 308). Le plus souvent, il ne rejette pas le procès-verbal dans son entier mais ordonne que les constatations erronées en soient retirées (TGI Paris, 22 nov. 1996 : PIBD 1997, n° 628, III, p. 137. – TGI Paris, 19 mars 1999 : PIBD 1999, n° 685, III, p. 437. – TGIParis, 6 oct. 2000 : PIBD 2001, n° 713, III, p. 52. – TGI Paris, 31 oct. 2003 : PIBD 2004, n° 782, III, p. 151. – V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 58 ).

 

14. – Inscription devenue sans objet – Quand l'incident est joint au fond et que le tribunal décide d'annuler le PV de saisie-contrefaçon pour un autre motif, l'inscription de faux est déclarée sans objet (CA Paris, 15 sept. 2000 : Ann. propr. ind. 2001, p. 8 ; PIBD 2001, n° 726, III, p. 429 ; RD propr. intell. 2001, n° 123, p. 19).

 

2° Demande principale en faux 

15. – La partie qui peut y avoir intérêt, par exemple le saisi, peut sans attendre de recevoir l'assignation au fond former une demande principale en faux en application de l'article 314 du Code de procédure civile .

 

16. – Formalités – Le demandeur en faux procède d'abord à une inscription de faux dans les mêmes formes que dans le cas d'un incident de faux. Il fait ensuite délivrer l'assignation, à laquelle est joint le second exemplaire de l'inscription. L'assignation doit contenir sommation pour le défendeur de déclarer s'il entend ou non faire usage du procès-verbal de saisie ou de ses parties inscrites de faux. L'assignation doit être faite dans le mois de l'inscription.

 

17. – Décision du juge – Si le défendeur déclare ne pas vouloir se servir de la pièce arguée de faux, le tribunal en donne acte au demandeur (CPC, art. 315 ). Dans le cas contraire ou si le défendeur ne comparaît pas, le tribunal statue au vu des moyens présentés par les parties ou de ceux qu'il relèverait d'office. Mais le tribunal n'a pas le pouvoir qu'il a dans le cas de l'incident de faux de s'abstenir de statuer. Il doit se prononcer sur le faux, parce que la disposition de l'article 307, alinéa 1er, du Code de procédure civile n'est pas applicable (V. supra n° 13 ).

 

II. - Annulation de la saisie-contrefaçon 

18. – La faculté donnée au saisi de faire annuler la saisie-contrefaçon lorsque les règles qui l'encadrent n'ont pas été suivies est le meilleur moyen d'assurer que ces règles soient respectées d'avance. Il n'y a rien en effet que le saisissant craigne davantage qu'une nullité de la saisie. Le régime des nullités est donc une pièce essentielle de l'institution.

 

19. – Qualification – Les règles qui suivent ne s'appliquent pas aux actes d'huissier qui sont parfois qualifiés improprement de saisie-contrefaçon, tel qu'un constat sur ordonnance (CA Versailles, 7 sept. 2000 : PIBD 2000, n° 709, III, p. 578, modèle) ou une saisie-conservatoire faite en exécution du jugement pour garantir le paiement des indemnités (CA Paris, 14 mai 2002 : PIBD 2002, n° 752, III, p. 516, modèle).

 

A. - Procédure 

20. – Trois questions se posent du point de vue de la procédure. Quel est le juge compétent pour prononcer la nullité ? Qui peut la demander ? Quand peut-on faire appel de la décision ?

 

1° Juge compétent 

21. – Règle – Le tribunal de grande instance de Paris et en appel la cour de Paris sont exclusivement compétents, matériellement, pour statuer sur les demandes d'annulation d'une saisie-contrefaçon (CPI, art. L. 615-17, al. 1er . – TGI Paris, 9 mars 2010 : PIBD 2010, n° 920, III, p. 385). Ils le sont aussi territorialement (CPI, art. L. 615-17, al. 2 et D.  631-2. – COJ, art. D. 211-6 D. n° 2009-1205, 9 oct. 2009, art. 2 et 5 ), parce que les nullités de saisie-contrefaçon sont régies par le Code de la propriété intellectuelle. Cette unicité de compétence est entrée en vigueur le 1er novembre 2009, les juridictions saisies antérieurement restant compétentes en application de l'ancienne loi.

 

Il a été soutenu que le tribunal ne serait pas compétent pour statuer sur la nullité de l'ordonnance autorisant la saisie, parce que l'article 460 du Code de procédure civile dispose que “la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi”. Ainsi, le juge de l'ordonnance, seul compétent pour statuer sur les mérites de l'ordonnance par la voie du recours en rétractation (V. JCl. Brevets, Fasc. 4631, n° 108 ), le serait aussi pour statuer sur la nullité de la requête qui lui a été présentée ou de l'ordonnance qu'il a rendue (N. Bouche, note sous Cass. 1re civ., 6 mai 2010, n° 08-15.897  : JurisData n° 2010-005372  ; Propr. industr. 2010, comm. 54. – CA Nîmes, 8 mars 2001 : PIBD 2001, n° 725, III, p. 414, modèle) ou alternativement seule la cour d'appel saisie d'un recours contre l'ordonnance pourrait l'annuler (P. Véron, Saisie-contrefaçon : Dalloz, 2e éd. 2005, p. 74, n° 15.126). Toutefois, soulever la nullité de l'ordonnance ou de la requête, parce qu'elle entraîne celle de la saisie-contrefaçon, constitue bien une défense au fond qui consiste à contester la preuve de la contrefaçon et qui relève donc de l'appréciation de la juridiction de jugement. Il existe en tout cas une abondante jurisprudence admettant la compétence du juge du fond pour constater la nullité de l'ordonnance (V. infra n° 43 à 53 ).

Quand l'annulation de la saisie est demandée par voie d'action principale (V. infra n° 25) et lorsqu'est seulement invoquée une cause de nullité tirée du Code de procédure civile, on peut se demander si l'action ne peut pas être portée devant n'importe quel tribunal de grande instance. Dans ce cas en effet le litige ne relève plus du contentieux né de l'application du titre I du Code de la propriété intellectuelle.

22. – Historique – Si Paris a toujours attiré une grande partie du contentieux des brevets d'invention, tous les tribunaux civils sont longtemps restés compétents pour en connaître, jusqu'à ce que cette compétence soit concentrée entre dix tribunaux en 1968, puis entre sept en 2006 et finalement en un seul en 2009.

 

23. – Cas d'incompétence – Cette question ne peut être tranchée par le président du tribunal de grande instance statuant en référé sur une demande d'interdiction provisoire (CA Paris, 25 oct. 1994 : PIBD 1995, n° 580, III, p. 27. – TGI Paris, ord. réf., 27 nov. 1987 : Dossiers brevets 1988, V, 7. – TGI Paris, 11 juill. 1991 : RD propr. intell. 1991, n° 37, p. 53). Tout au plus le juge de l'interdiction peut-il se fonder sur le fait que la validité de la saisie est sérieusement contestée pour refuser d'accorder l'interdiction provisoire (TGI Paris, ord. réf., 27 nov. 1987, préc. – TGI Paris, 11 juill. 1991, préc.). De même, le président du tribunal de grande instance qui a autorisé la saisie-contrefaçon et qui statue en référé en rétractation est incompétent pour prononcer la nullité (CA Colmar, 27 juill. 1951 : Ann. propr. ind. 1951, p. 261. – CA Nîmes, 14 sept. 1998 : Ann. propr. ind. 1999, p. 117 ; RD propr. intell. 1999, n° 96, p. 43 ; PIBD 1999, n° 668, III, p. 38, obtention végétale. – CA Lyon, 3 mai 1999 : Ann. propr. ind. 1999, p. 322 ; RD propr. intell. 1999, n° 98, p. 15 ; Dossiers brevets 1999, I, 1 ; PIBD 1999, n° 680, III, p. 323. – TGI Paris, 28 juin 1983 : Dossiers brevets 1984, II, 5 ; PIBD 1983, n° 336, III, p. 293. – contra TGI Privas, 16 févr. 1989 : Dossiers brevets 1989, I, 4). Il en va de même du juge des référés (CA Paris, 6 déc. 1999 : PIBD 2000, n° 693, III, p. 124, modèle) et du juge de la mise en état (Cass. com., 19 janv. 2010, n° 08-18.732 : JurisData n° 2010-051291 . – CA Lyon, 22 mars 2007 : JurisData n° 2007-344073 , modèle. – TGIParis, ord. JME, 5 juin 1998 : PIBD 1998, n° 664, III, p. 533. – TGI Paris, 4 janv. 2007 : Propr. industr. 2007, comm. 77, J. Raynard. – TGI Paris, ord. JME, 30 mars 2007 : PIBD 2007, n° 854, III, p. 383. – TGI Paris, 25 avr. 2007 : Propr. intell. 2007, n° 25, p. 479, § 5, obs. Ch. de Haas. – TGI Paris, 22 juin 2007 : PIBD 2007, n° 860, III, p. 588 ; Propr. intell. 2007, p. 479, obs. Ch. de Haas. – contra TGI Montpellier, ord. JME, 22 août 2007 : Propr. intell. 2007, n° 25, p. 479, § 5, obs. Ch. de Haas. – TGI Paris, 19 mars 2008 : PIBD 2008, n° 876, III, p. 356. – TGI Paris, ord. JME, 6 mai 2009 : PIBD 2009, n° 902, III, p. 1327 ; Propr. intell. 2009, n° 33, p. 400, obs. Ch. de Haas, modèle).

 

24. – Demande reconventionnelle – Le plus souvent, le tribunal devant lequel le saisissant a entamé l'action en contrefaçon sera saisi, par voie reconventionnelle ou par voie d'exception, de la question de la nullité de la saisie. Le juge du fond peut alors, soit considérer la demande comme une question préjudicielle et statuer d'abord sur l'incident de nullité de la saisie, soit joindre l'incident au fond.

 

25. – Action principale – Mais il arrive que le saisissant n'entame pas l'action en contrefaçon ou qu'il tarde à le faire. La partie saisie ou tout tiers intéressé peut prendre l'initiative d'une action principale en nullité de la saisie-contrefaçon (TGI Paris, 28 juin 1983, préc. n° 23. – TGI Paris, 29 janv. 1988 : RD propr. ind. 1989, n° 23, p. 81, marque).

 

26. – Application de la loi dans le temps – Dans le cas d'une action introduite avant le 1er novembre 2009, date d'entrée en vigueur de l'unicité de compétence, le tribunal compétent ratione loci peut être celui du lieu du domicile du défendeur. Il a été jugé que ce peut être aussi celui du lieu de la saisie-contrefaçon (CA Amiens, 4 avr. 1957 : Ann. propr. ind. 1957, p. 102). Jugé aussi que, lorsque deux saisies ont été pratiquées dans des ressorts différents, l'une dans le ressort où se trouvait le siège du saisi, l'autre dans le ressort où se trouvait une agence de celui-ci, le tribunal du lieu du siège est compétent à l'égard de la demande en nullité des deux saisies (CA Amiens, 4 avr. 1957, préc.).

 

2° Demandeur à la nullité 

27. – Principe – Hormis le cas de la nullité de plein droit (CPI, art. L. 615-5, al. 5 . – V. infra n° 28 ), la loi ne réserve pas l'action en annulation de saisie à certaines personnes et l'action est donc ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime à la nullité (CPC, art. 31 ). C'est habituellement la partie saisie. Ce peut être aussi un défendeur à l'action en contrefaçon, autre que le saisi. Ce peut être un fabricant ou un fournisseur du saisi qui a été appelé en garantie par celui-ci dans l'action en contrefaçon dirigée contre lui (TGI Marseille, 15 janv. 1975 : PIBD 1975, n° 152, III, p. 280 ; Dossiers brevets 1975, VI, 5). Ainsi jugé au profit d'un fabricant de bennes arguées de contrefaçon :

TGI Marseille, 15 janv. 1975 , préc.

Elle est également en droit d'invoquer la nullité de la saisie bien que celle-ci ait été pratiquée entre les mains d'un tiers, simple détenteur du matériel argué de contrefaçon qu'elle fabrique, alors que cette procédure préliminaire constitue la base de l'action exercée et qu'en tant qu'appelée en garantie par le tiers détenteur saisi, elle possède le droit d'invoquer tous les moyens qui étaient à la disposition de l'appelant en garantie pour faire échouer l'instance engagée.

Un tiers étranger à l'instance en contrefaçon et autre que le saisi peut aussi, en cas d'inaction du saisissant, demander la nullité de la saisie. On peut penser, par exemple, au propriétaire d'un secret de fabrique qui a intérêt à la restitution de documents saisis ou copiés par l'huissier.

Une limite est toutefois l'obligation, lorsqu'il s'agit d'une nullité de forme, d'établir que l'inobservation de la règle a causé un grief à l'auteur de l'action. À cet égard une personne autre que la partie saisie peut parfois subir un préjudice du fait d'une nullité de forme. Ainsi jugé, dans le cas d'un défaut de remise de la copie de l'ordonnance au saisi, que le préjudice subi par le tiers tient au fait que le détenteur n'a pas eu la possibilité de l'alerter au téléphone pour provoquer son intervention (TGI Marseille, 15 janv. 1975, préc.).

28. – Exception en cas de nullité de plein droit – Dans sa nouvelle rédaction de 2007, l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle contient une précision qui était absente dans l'ancien texte. Il est dit que la saisie est annulée “à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés”. Le principe étant qu'il ne peut y avoir de nullité sans texte, il faut en déduire que l'annulation pour ce motif ne peut être demandée que par la partie saisie. Souvent le défendeur à l'action en contrefaçon n'est pas la partie saisie et celle-ci est laissée en dehors de la procédure (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 17 ). Dans ce cas, le saisi n'a guère intérêt à intervenir à l'action pour demander l'annulation de la saisie. La restriction introduite diminue donc grandement la portée de l'obligation de se pourvoir dans le délai puisque le manquement à celle-ci reste pratiquement sans conséquence.

 

3° Appel 

29. – Appel immédiat – Quand le tribunal statue sur la demande en annulation d'une saisie-contrefaçon en même temps que sur l'action en contrefaçon, la voie de l'appel est immédiatement ouverte. Il en va de même en cas d'action principale en annulation de la saisie.

30. – Appel différé – En revanche, quand le tribunal statue d'abord sur l'incident de procédure portant sur la validité d'une saisie-contrefaçon, le jugement est rendu avant dire droit sur le fond et ne met pas fin à l'instance. Il ne peut donc être frappé d'appel que plus tard avec le jugement sur le fond (CA Paris, 14 mars 2001 : RD propr. intell. 2001, n° 123, p. 36). L'irrecevabilité de l'appel qui serait formé immédiatement d'un tel jugement est d'ordre public et doit être relevée d'office par le juge d'appel (CA Paris, 14 mars 2001, préc.).

 

B. - Cas de nullité 

31. – Il faut distinguer entre trois cas de nullité de saisie-contrefaçon, qui obéissent à des régimes différents : la nullité de plein droit, la nullité de fond et la nullité de forme. Les conditions et les effets de la nullité diffèrent selon les cas. Il est donc regrettable que les tribunaux sanctionnent parfois comme des nullités de fond des vices de procédure qui relèvent des nullités de forme (V. infra n° 74 et 78 ).

 

1° Nullité de plein droit 

32. – Texte – Selon l'article L. 615-5, dernier alinéa, du Code de la propriété intellectuelle  :

À défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.

L'article R. 615-3 du même code (D. n° 2008-624, 27 juin 2008, art. 9 ) fixe ce délai à vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce dernier délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description.

33. – Fondement – Cette nullité a pour but d'empêcher un usage abusif de la saisie-contrefaçon (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 3 ).

 

a) Régime 

34. – Le manquement au délai ne constitue, ni un vice de forme auquel serait applicable l'article 112 du Code de procédure civile ni une exception de procédure entrant dans les prévisions de l'article 74 de ce code (Cass. com., 19 janv. 2010, n° 08-18.732  : JurisData n° 2010-051291 . – Cass. com., 3 juin 2003, n° 01-14.214  :JurisData n° 2003-019289  ; JCP G 2003, IV, 2352  ; PIBD 2003, n° 774, III, p. 556 ; Bull. civ. 2003, IV, n° 91, modèle. – TGI Lille, 20 oct. 2005 : PIBD 2005, n° 820, III, p. 723. – contra TGI Paris, 2 oct. 1996 : PIBD 1997, n° 627, III, p. 110). Cette nullité est de plein droit, parce qu'elle a pour objet d'empêcher qu'il puisse être fait un usage intempestif de la saisie-contrefaçon. Elle est donc encourue même en l'absence de grief démontré(CA Paris, 28 juin 1996 : PIBD 1996, n° 621, III, p. 583. – CA Lyon, 2 juill. 1998 : RD propr. ind. 1998, n° 88, p. 11, et 2000, n° 114, p. 28 ; PIBD 1998, n° 665, III, p. 555 ; Dossiers brevets 1998, III, 3. – TGI Paris, 17 mars 1983 : PIBD 1983, n° 330, III, p. 205. – TGI Paris, 20 janv. 1984 : PIBD 1984, n° 349, III, p. 157 ; Dossiers brevets 1984, V, 4. – TGI Paris, 25 mars 1988 : PIBD 1988, n° 440, III, p. 385) et même après renonciation par le demandeur à l'action en contrefaçon de se prévaloir du brevet (CA Paris, 18 févr. 1988 : Ann. propr. ind. 1989, p. 227 ; RD propr. ind. 1988, n° 17, p. 78). Elle peut être soulevée à toute hauteur de la procédure (Cass. com., 19 janv. 2010, préc. – Cass. com., 3 juin 2003, préc. – contra TGI Paris, 2 oct. 1996, préc.), même devant la cour d'appel et après le prononcé de la clôture, auquel cas il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et de rouvrir les débats (CA Paris, 8 déc. 1992 : PIBD 1993, n° 542, III, p. 258). Bien que soulevée pour la première fois devant la cour d'appel, la demande en annulation de l'acte de saisie-contrefaçon pour ce motif ne constitue pas une demande nouvelle, mais un moyen nouveau, ce qui la rend recevable (CA Versailles, 3 déc. 1996 : Gaz. Pal. 1997, 1, somm. p. 237, modèle).

La nullité s'applique à “l'intégralité de la saisie” (CPI, art. L. 615-5, al. 5 ). Elle affecte non seulement le procès-verbal de saisie, mais la saisie elle-même (CA Paris, 9 janv. 1953 : Ann. propr. ind. 1953, p. 96. – TGI Lille, 20 oct. 2005, préc.). Ainsi les constatations et descriptions qui y sont faites ne peuvent être utilisées comme preuve de la contrefaçon alléguée, non plus que les photographies réalisées par l'huissier.

b) Application 

35. – Cas – C'est l'absence d'assignation, et non pas de saisine du tribunal, dans le délai qui est sanctionnée par cette nullité (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 13 ). Au défaut pur et simple d'assignation dans le délai équivaut une assignation délivrée dans le délai mais qui est nulle (CA Paris, 14 janv. 1985 : Ann. propr. ind. 1986, p. 75, confirmantTGI Paris, 17 mars 1983 : PIBD 1983, n° 330, III, p. 205. – CA Paris, 29 févr. 1987 : RD propr. ind. 1987, n° 13, p. 67. – CA Lyon, 2 juill. 1998, préc. n° 34. – CA Paris, 12 sept. 2001 : Ann. propr. ind. 2001, p. 339 ; PIBD 2002, n° 736, III, p. 66 ; Gaz. Pal. 2002, somm. p. 778, n° 1483. – TGI Paris, 21 oct. 1982 : PIBD 1983, n° 319, III, p. 59. – TGIParis, 4 oct. 1985 : RD propr. ind. 1986, n° 4, p. 55 ; PIBD 1986, n° 384, III, p. 58. – TGIParis, 12 juin 1987 : PIBD 1987, n° 419, III, p. 355. – V. en matière de dessins et modèles, CA Paris, 17 nov. 1987 : RD propr. ind. 1987, n° 14, p. 138. – CA Paris, 7 mars 2003 : RD propr. intell. 2004, n° 155, p. 36), ou caduque (TGI Paris, 16 mars 1978 : PIBD 1978, n° 224, III, p. 373. – TGI Paris, 28 avr. 1978 : PIBD 1979, n° 227, III, p. 8) ou dans certains cas délivrée devant une juridiction incompétente (V. JCl. Brevets, Fasc. 4633, n° 24 ).

 

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