LA MAFIA JUDICIAIRE TOULOUSAINE

" Article 41 de la loi du 29 juillet 1881 - Déclaration universelle des droits de l'homme - Article 6 de la C.E.D.H "

 

Définition de Aide juridictionnelle/ Aide Juridique

L'aide juridictionnelle en France et la jurisprudence européenne (I) Usager-administré 2007-11-21 12:34 PM.

 

La tentative récente, de l'actuel gouvernement français, de faire accepter l'idée d'une disparition de l'aide juridictionnelle entièrement gratuite pour les citoyens avec les plus faibles ressources, n'est pas un incident isolé. Elle s'inscrit dans une stratégie dirigée contre les droits réels de la grande majorité de la population. “Pas de droits sans argent” risque de devenir une devise tacite, en France mais aussi dans l'ensemble de l'Europe prétendument “en construction”. Manifestement, on ne “construit” pas pour les pauvres...

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Nicolas Sarkozy et François Fillon viennent de lancer un premier ballon d'essai, via la ministre de la Justice Rachida Dati, en vue de supprimer la gratuité totale de l'aide juridictionnelle. Même si, devant l'avalanche de réactions négatives, le gouvernement semble avoir provisoirement renoncé à ce projet, ce n'est sans doute que partie remise pour après les élections municipales. Mais quelle est, déjà à présent, la situation réelle de l'aide juridictionnelle française qui, d'après la Cour Européenne des Droits de l'Homme, “offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire” ?


Un article du 18 novembre de Justiciable évoque la tentative récente de Rachida Dati, Garde des Sceaux et auparavant porte-parole de Nicolas Sarkozy, de mettre en cause le caractère gratuit de l'aide juridictionnelle. Les références fort instructives de l'article à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) me semblent mériter une comparaison avec la situation actuelle de l'aide juridictionnelle française, prenant en considération des aspects du fonctionnement réel des Bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) qui n'apparaissent pas forcément à la lecture des arrêts de la Cour.

L'arrêt Del Sol du 26 février 2002 a jugé l'affaire d'une requérante française qui s'est plainte, d'après la CEDH, “de ce que le bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation, puis le premier président de cette juridiction, ont rejeté sa demande d'aide juridictionnelle au motif qu'aucun moyen de cassation sérieux ne pouvait être relevé”, estimant que “les décisions susmentionnées ont abouti à préjuger sa cause et à porter atteinte au droit d'accès à un tribunal que l'article 6 § 1 de la Convention [européenne des Droits de l'Homme] garantit en ces termes: « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) » ”. Le gouvernement français a plaidé notamment, en réponse:

“ Le Gouvernement affirme à titre liminaire que le fait de ne consentir le bénéfice de l'aide juridictionnelle qu'aux seuls demandeurs dont l'argumentation a au moins une chance – fût-elle faible – de prospérer devant le juge de cassation traduit le souci de concilier une bonne administration de la justice avec le droit d'accès effectif à un tribunal. (...) il s'agit (...) d'écarter uniquement les recours qui ne contiennent que des arguments insusceptibles d'aboutir à la remise en cause de la décision entreprise. (...) Il en va de même, a fortiori, des recours qui ne comprennent l'exposé d'aucun motif. ”

“ Ainsi, le Gouvernement considère que l'appréciation portée par les membres du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation français diffère largement de celle censurée par la Cour dans l'affaire Aerts c. Belgique (arrêt du 30 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-V, pp. 1964-1965, § 60), où des organes similaires avaient tranché la question de savoir si le recours du requérant était « actuellement juste », c'est-à-dire s'il était fondé. Ce contrôle allait donc au-delà du contrôle prévu par le système français, qui se limite à écarter les moyens dépourvus de tout caractère sérieux. (...) ”

“ Le Gouvernement affirme en outre que la composition du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation permet d'écarter tout reproche de partialité qui pourrait être adressé à ce service. Ce dernier comprend des magistrats, des avocats, des fonctionnaires et des justiciables. Cette diversité permet que soient pris en compte de manière effective aussi bien les nécessités du bon fonctionnement de la juridiction que les droits de la défense, et notamment le libre accès au juge. Il ne peut donc être soutenu que les décisions du bureau d'aide juridictionnelle traduisent une volonté d'écarter abusivement les demandeurs des prétoires. Le Gouvernement souligne que le caractère objectif de l'appréciation portée sur le pourvoi est garanti par la voie de recours ouverte par l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, lesquelles peuvent être déférées au premier président de la Cour de cassation. Par ce biais, le demandeur a la faculté de contester l'appréciation portée par le bureau sur le sérieux des moyens qu'il a présentés, et de rapporter, le cas échéant, la preuve du caractère mal fondé de cette appréciation. ”

(fin de citation)


Il reste qu'un telle procédure de rejet au niveau de l'aide juridictionnelle revient à faire juger, et éliminer dans la pratique, l'affaire par des instances autres que la formation collégiale qui examine, avec un rapporteur et en présence d'un avocat général, les pourvois déposés par des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation. De surcroît, elle impose au justiciable sans ressources la tâche en soi très difficile d'identifier et articuler par lui-même des “moyens de cassation sérieux”.

Or, à supposer que les moyens proposés par un demandeur qui n'est pas un avocat spécialisé ne soient pas solides, rien ne prouve que la décision contestée ne puisse pas être valablement attaquée avec l'aide d'un professionnel. La situation du justiciable à qui l'aide juridictionnelle est refusée paraît donc très défavorable par rapport à celle d'une partie adverse disposant de moyens financiers suffisants pour, tout simplement, confier le dossier à un avocat aux Conseils qui se chargera de trouver les possibles moyens de cassation et de les articuler correctement. Où est l'égalité dans l'accès à la justice ? Pas seulement auprès du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation, mais plus globalement dans l'ensemble des juridictions de la justice française. Les personnes ou entités riches et influentes ont tout intéret à durcir les contentieux, et à les rendre longs et onéreux. Dans la grande majorité des cas, le “petit justiciable” partie adverse ne pourra pas, matériellement, se défendre.

La CEDH a malgré tout suivi la plaidoirie du Gouvernement français, et estimé par cinq voix (dont celle du juge français) contre deux (dont celle du président de la Chambre) :

“ La Cour souligne d'emblée que la Convention n'oblige pas à accorder l'aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile. En effet, il y a une nette distinction entre les termes de l'article 6 § 3 c), qui garantit le droit à l'aide judiciaire gratuite sous certaines conditions dans les procédures pénales, et ceux de l'article 6 § 1, qui ne renvoie pas du tout à l'aide judiciaire. ”

(...) “La Cour note tout d'abord que le motif retenu par le bureau d'aide juridictionnelle et le premier président de la Cour de cassation pour rejeter la demande de la requérante – à savoir l'absence de moyen sérieux de cassation –, est expressément prévu par la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 et s'inspire sans nul doute du légitime souci de n'allouer des deniers publics au titre de l'aide juridictionnelle qu'aux demandeurs dont le pourvoi a une chance raisonnable de succès. Comme le soulignait la Commission européenne des Droits de l'Homme, à l'évidence, un système d'assistance judiciaire ne peut fonctionner sans la mise en place d'un dispositif permettant de sélectionner les affaires susceptibles d'en bénéficier. (...) ”

“ Il est vrai que, dans l'affaire Aerts, la Cour a conclu à une violation de l'article 6 § 1 après avoir souligné qu'« en rejetant la demande [d'assistance judiciaire] au motif que la prétention ne paraissait pas actuellement juste, le bureau d'assistance judiciaire a porté atteinte à la substance même du droit [du requérant] à un tribunal » (...) Toutefois, la Cour estime qu'il est important de prendre concrètement en compte la qualité du système d'assistance judiciaire dans un Etat. Or elle considère que le système mis en place par le législateur français offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire : d'une part, le bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette cour et comprend également son greffier en chef, deux membres choisis par la haute juridiction, deux fonctionnaires, deux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi qu'un membre désigné au titre des usagers (article 16 de la loi du 10 juillet 1991 susmentionnée) ; d'autre part, les décisions de rejet peuvent faire l'objet d'un recours devant le premier président de la Cour de cassation (article 23 de la loi). Au surplus, la requérante avait pu faire entendre sa cause en première instance, puis en appel. ”

(fin de citation)


Cette apréciation de février 2002 de la CEDH a été confirmée dans l'arrêt Vallar du 4 octobre dernier, se référant explicitement à l'arrêt Del Sol.

Cependant, avec tout le respect dû à la Cour Européenne et à la justice française, un certain décalage semble exister entre les considérants de ces arrêts et la situation que l'on peut constater aujourd'hui sur le terrain.

De façon générale, les décisions des bureaux d'aide juridictionnelle français ne spécifient pas la composition du bureau qui a délibéré sur chaque demande : qui a effectivement participé à la délibération, existe-t-il un acte signé de cette délibération ? Le demandeur ne reçoit aucune information, sauf dans le cas où l'aide juridictionnelle lui est refusée par ordonnance du président du BAJ, ce qui est légalement possible en vertu de l'article 22 de la Loi du 10 juillet 1991 modifiée, qui spécifie : “ Le président du bureau ou de la section compétente ou, en cas d'absence ou d'empêchement du président, le vice-président peut statuer seul sur les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse ”. Si la décision est rendue après délibération du BAJ, la notification ne fait pas état de sa composition. Dans le cas contraire, elle est rendue par la présidence du BAJ avec en général une motivation type de quelques mots standard : “le demandeur dépasse le plafond de revenus”, ou “absence de moyens sérieux suceptibles de convaincre le juge de cassation”. Le justiciable est alors privé de l'examen, par l'ensemble du Bureau, de la possibilité de déroger au plafond de revenus (ce qui est légalement possible d'après l'article 3 de la Loi de 1991) ou du caractère sérieux des moyens de cassation. La collégialité des décisions des BAJ français n'est donc pas garantie ou n'apparaît pas de manière suffisamment explicite dans les notifications.

Et pour quelle raison, par exemple, le fait de vouloir plaider le caractère réglementaire de la Charte des Thèses des universités françaises ne comporterait-il pas, par lui-même, un moyen de cassation potentiellement sérieux ? Les motivations sommaires évitent ce genre d'explications qu'une formation de jugement serait amenée à fournir.

De surcroît, des BAJ aussi importants que celui de Paris ne semblent pas adresser en temps utile aux demandeurs des avis d'enregistrement de leurs dossiers. Ce qui peut compliquer la tâche du justiciable qui souhaite ajouter des éléments complémentaires à sa demande initiale. De même, aucune procédure de récusation ne semble être prévue, alors que le BAJ ou sa présidence et la présidence de la juridiction se substituent de fait à la formation collégiale normale prévue pour les jugements contentieux.


Il semble donc bien que des différences substantielles existent entre les possibilités offertes à ceux qui peuvent recourir de leurs deniers aux services d'un avocat spécialisé qui déposera une requête en bonne et due forme, et celles dont dispose un citoyen avec de faibles revenus ou, tout simplement, un membre de la prétendue “classe moyenne”, très largement prolétarisée et souvent endettée. Résultat d'une évolution voulue par gouvernements et législateurs depuis deux décennies.

Cette note est loin d'épuiser le sujet, mais une réflexion citoyenne sur la question paraît nécessaire en tout état de cause. Pas seulement à l'échelle française, mais pour tous les pays membres du Conseil de l'Europe où non seulement la jurisprudence de la CEDH s'applique mais des stratégies gouvernementales communes sont de plus en plus ouvertement définies sans demander l'avis des citoyens. En attendant, s'opposer à un nouveau Traité européen n'est que sagess

 

L’aide juridictionnelle en France et la jurisprudence européenne (II) Usager-administré 2007-11-25 8:17 PM


Nicolas Sarkozy, François Fillon, Rachida Dati et Roland du Luart savent sans doute très bien que leurs attaques contre le principe de la gratuité de l’aide juridictionnelle en France ne sont pas incompatibles avec la lecture officielle des droits « minimaux » énoncés par la Convention Européenne dite « des Droits de l’Homme ». Une situation d’autant plus préoccupante, que l’évolution institutionnelle vers une justice de plus en plus sommaire et avec de faibles moyens ne cesse de s’accélérer, et que les dotations budgétaires destinées à préserver les droits des citoyens semblent constituer une cible naturelle dans un contexte de « construction » de l’Europe militaire. Nicolas Sarkozy ne semble point tenir à évoquer ces questions dans la transparence devant les citoyens, à la veille de la signature d’un nouveau Traité européen sur lequel il refuse toute perspective d’un référendum. (text/html)

L’aide juridictionnelle en France et la jurisprudence européenne (II)
par Usager-administré Sunday, Nov. 25, 2007 at 8:17 PM
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Nicolas Sarkozy, François Fillon, Rachida Dati et Roland du Luart savent sans doute très bien que leurs attaques contre le principe de la gratuité de l’aide juridictionnelle en France ne sont pas incompatibles avec la lecture officielle des droits « minimaux » énoncés par la Convention Européenne dite « des Droits de l’Homme ». Une situation d’autant plus préoccupante, que l’évolution institutionnelle vers une justice de plus en plus sommaire et avec de faibles moyens ne cesse de s’accélérer, et que les dotations budgétaires destinées à préserver les droits des citoyens semblent constituer une cible naturelle dans un contexte de « construction » de l’Europe militaire. Nicolas Sarkozy ne semble point tenir à évoquer ces questions dans la transparence devant les citoyens, à la veille de la signature d’un nouveau Traité européen sur lequel il refuse toute perspective d’un référendum.

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La ministre de la Justice Rachida Dati déclare à présent que « pour l'instant », la gratuité totale de l'aide juridictionnelle pour les plus faibles revenus ne sera pas supprimée. De son côté, le Haut-commissaire aux solidarités actives Martin Hirsch « ne pense pas que ce soit le moment de le faire ». Partie remise donc, mais le projet proposé par des sénateurs et mis en avant par Rachida Dati il y a une dizaine de jours n'est certainement pas abandonné. Bien au contraire, la signature d'un nouveau Traité européen ne fera qu'encourager de telles initiatives. La jurisprudence (arrêt Del Sol) de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) dit uniquement que la Convention que cette Cour est censée faire respecter « garantit le droit à l'aide judiciaire gratuite sous certaines conditions dans les procédures pénales ». La CEDH souligne d’ailleurs que la définition du droit à un procès équitable donnée dans l'article 6 § 1 de ladite Convention « ne renvoie pas du tout à l'aide judiciaire ». Un élément important dans l'évolution, en France et à l’échelle européenne, vers une justice de plus en plus expéditive et difficile d'accès, au détriment de la grande majorité de la population.


Suite de la partie I


Même si l'Union Européenne et le Conseil de l'Europe sont formellement des entités différentes, cette séparation institutionnelle relève surtout de la propagande et de la préservation de certaines apparences. Le tissu économique mis en place par les multinationales et les lobbies financiers s'articule dans l'ensemble des quarante-sept pays membres du Conseil de l'Europe, Russie comprise. L'Europe du grand capital s'étend bien jusqu'à Vladivostok. La Cour Européenne des Droits de l'Homme, tribunal déclaré supérieur à toutes les juridictions nationales, est une émanation du Conseil de l'Europe et applique une convention minimale faite pour que des régimes politiques très « variés » puissent y adhérer. Or, la situation de supériorité hiérarchique de cette Cour par rapport au Conseil d'Etat français ou à la Cour de Cassation, et par là à l'ensemble de la justice française, encourage en France comme ailleurs une évolution institutionnelle dans le sens de la disparition des droits civiques « nationaux » dépassant le « droit minimal » de la Convention européenne.

Le comte Roland Le Gras du Luart de Montsaulnin, vice-président du Sénat français, sénateur de la Sarthe et président de son Conseil Général, ne semble point craindre un désaveu de la part des institutions européennes lorsqu’il signe, au nom de la Commission des finances du Sénat, un rapport présenté avec cet encadré :

« M. Roland du Luart, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Justice », a souhaité effectuer une mission de contrôle budgétaire du système de l'aide juridictionnelle (AJ). Le dispositif de l'AJ se caractérise par un accroissement considérable du nombre des admissions depuis 1991 : + 159,5 %. Parallèlement, l'enveloppe budgétaire consacrée à cette aide a progressé de + 391,3 % entre 1991 et 2006. En 2007, elle représentait 5,2 % des crédits dédiés à la justice avec un montant de 328,7 millions d'euros. Le poids de cette action dans le budget de la justice et sa dynamique depuis 1991 font de cette dépense une variable dont l'évolution est très préoccupante. La crise que traverse l'AJ est autant financière que morale. La réforme de l'AJ ne peut plus attendre. Elle doit s'articuler autour d'un système équilibré, où chacune des parties prenantes contribue à l'effort de solidarité nationale : les avocats et les auxiliaires de justice, le justiciable lui-même et l'Etat. La réforme ici proposée repose sur les principes de transparence et de responsabilité. Il s'agit tout à la fois de préserver le « contrat social noué » autour de l'AJ et d'assurer la pérennité d'un système garantissant l'accès au droit et à la justice des plus démunis des justiciables. »

(fin de citation)

Le rapport propose, entre autres, « la création d'un « ticket modérateur justice » [lequel] doit contribuer à responsabiliser le bénéficiaire de l'AJ ». Il est exact que l’arrêt Del Sol (voir aussi mon premier article) ne paraît pas de nature à l’en dissuader. A la lecture de cet arrêt, on peut même penser qu’en matière de suppression de l’aide juridictionnelle les gouvernements peuvent se permettre d’aller beaucoup plus loin. Ce qu’à terme ils ne manqueront de faire, si la « construction européenne » se poursuit. Ceux qui voudront avoir des droits devront « travailler plus pour gagner plus »…


La CEDH a également apporté une claire caution aux procédures éliminatoires sommaires progressivement mises en place dans la Section du Contentieux du Conseil d’Etat ou à la Cour de Cassation (procédures d’admission des pourvois de cassation, rejets par ordonnance...) et, par osmose, dans l’ensemble de la justice française. Les manuels de droit citent, à ce sujet, la décision partielle Société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France, du 9 mars 1999, requête n° 38748/97, accessible sur le site de la Cour dans la rubrique « décisions » (ne pas confondre avec l’arrêt rendu sur le fond en 2002, rubrique « arrêts »). La décision dit notamment, à propos d’un refus d’admission d’un pourvoi en cassation par le Conseil d’Etat :

« La requérante se plaint que, saisi du pourvoi, le Conseil d’Etat s’est borné à rappeler succinctement le contenu du moyen et à le rejeter en énonçant seulement qu’il n’était pas de nature à permettre l’admission de la requête.

La Cour rappelle que le droit d'accès aux tribunaux consacré par l'article 6 de la Convention peut être soumis à des limitations prenant la forme d'une réglementation par l'Etat. Celui-ci jouit d'une certaine marge d'appréciation (...) [La Cour] rappelle la jurisprudence selon laquelle l’article 6 n’exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès (...). En l'espèce, la Cour note que la décision de la commission d’admission des pourvois en cassation était fondée sur l'absence de moyens de nature à permettre l’admission de la requête au sens de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987. Dans ces conditions, elle ne décèle aucune apparence de violation de l'article 6 § 1 de la Convention. »

(fin de citation)

Une jurisprudence à laquelle Guy Canivet s’est référé dans une communication à la réunion des premiers présidents de cour d’appel en septembre 2002. Evoquant la mise en application de la Loi organique 2001-539 du 25 juin 2001, l’alors président de la Cour de Cassation déclarait :

« Ainsi, restaurant une procédure d'examen préalable pratiquée depuis la création du tribunal de cassation, en 1790, jusqu'à la suppression de la chambre des requêtes, en 1947, la loi organique 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, a, par son article 27, modifié l'article L. 131-6 du Code de l'organisation judiciaire selon lequel, désormais, la formation de trois magistrats de chaque chambre de la Cour, "après le dépôt des mémoires", "déclare non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation".

Cette disposition, analogue à celle par laquelle la loi du 31 décembre 1987 avait institué devant le Conseil d'Etat une procédure préalable d'admission des pourvois en cassation (art. L 822-1 du Code de la justice administrative), permet à la Cour de cassation, en écartant les nombreux pourvois irrecevables ou voués à un échec certain, de se consacrer plus efficacement à sa mission normative et disciplinaire.

La conformité de ce dispositif aux standards de procédure imposés par la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas discutable. La Cour de Strasbourg a en effet jugé, aux termes de plusieurs arrêts, que "l'article 6 de la Convention n'interdit pas aux États contractants d'édicter des réglementations régissant l'accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice" (…) »

(fin de citation)

C’est donc un acquis citoyen des années ayant suivi la Libération, qui a été supprimé par la loi de 2001 précitée. Le refus d’aide juridictionnelle au motif d’une prétendue « absence de moyens sérieux » relève de la même politique. Le fait que la Loi organique évoquée par Guy Canivet ait été adoptée alors que Lionel Jospin était premier ministre et Marylise Lebranchu Garde des Sceaux, illustre également le caractère « transversal » et « consensuel » des restrictions croissantes imposées au droit d’accès à la Justice depuis les années 1980. Voir aussi l’ article de Justiciable du 18 novembre, ou encore celui d’Universitaire 1995 évoquant le refus d’aide juridictionnelle opposé à une doctorante qui demandait cette aide pour se pourvoir en cassation sur la question de la valeur réglementaire de la Charte des Thèses.


Mais, en matière de procédures éliminatoires, la CEDH elle-même a été, et reste, bien en avance : environ 60.000 recours enregistrés par an, et autour de 3000 seulement passés en audience publique pendant la même période. La majorité des recours est éliminée par un comité de trois juges qui, en vertu de l’article 28 de la Convention, peut opposer au justiciable une « déclaration d’irrecevabilité ». A savoir : « Un comité peut, par vote unanime, déclarer irrecevable ou rayer du rôle une requête individuelle [par opposition aux requêtes introduites par les Etats] (…) lorsqu’une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. La décision est définitive ». C’est, sauf pour un petit pourcentage, la destinée de la plupart des requêtes dont la Cour est saisie. La lettre type déclarant la requête irrecevable n’est assortie d’aucune motivation circonstanciée, ni même d’un résumé du recours déposé. On pourrait a première vue s’en étonner, à la lecture de l’article 45 de la Convention intitulé précisément : « Motivation des arrêts et décisions », et qui prescrit notamment : « Les arrêts, ainsi que les décisions déclarant des requêtes recevables ou irrecevables, sont motivés ». Mais toute la subtilité réside dans le fait que la « lettre type » n’est ni un arrêt, ni une décision. Il s’agit d’une « déclaration » d’irrecevabilité. Ce que la grande majorité des lecteurs de la Convention ne remarque pas forcément, sauf à s’y trouver directement impliqué.

Le « petit justiciable » qui saisit la CEDH pourrait croire que l’obligation de motivation est générale aux termes de l’article 6.1 de la Convention (droit à un procès équitable). Car comment vérifier que le droit est appliqué de la même façon pour tous, en l’absence d’un descriptif de chaque requête et d’une motivation explicite de chaque décision prise ? Mais ni les gouvernements, ni les représentants des parlementaires, ni les juges désignés ne l’entendent manifestement pas de cette façon. Pourtant, avec tout le respect dû à la Cour, on peut penser à la lecture de la « lettre type » que, même lorsqu’une requête se heurte à une déclaration d’irrecevabilité, un rapport ou synthèse a dû être élaboré avant de prendre une telle décision, et des notes de la délibération ont dû être prises. Dans ce cas, la motivation écrite de la décision ne serait pas, en principe, une lourde tâche. La même remarque paraît valable pour le Conseil d’Etat français ou la Cour de cassation.


Autant de problèmes de fond que Nicolas Sarkozy, François Hollande et la grande majorité du monde politique se gardent bien d’évoquer dans la clarté devant les citoyens, à la veille de la signature d’un nouveau Traité européen. Il s’agit pourtant de questions essentielles pour l’avenir de nos droits civiques. Mais, justement, les partis politiques dominants ne veulent pas entendre parler d’un référendum, pas plus que d’un débat transparent. C’est d’ailleurs par la presse étrangère, en l’occurrence le Telegraph britannique, que l’on apprend que, dans une réunion à huis clos de parlementaires européens, Nicolas Sarkozy a estimé qu’un éventuel référendum serait perdu en France, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays. Pour le président français, « la France a simplement été en avance [en 2005, avec le rejet du projet de Traité Constitutionnel Européen, TCE] par rapport aux autres pays... (...) Un référendum maintenant mettrait l’Europe en danger ». D’après le même article, Sarkozy espère profiter de sa prochaine présidence de l’Union Européenne pour faire adopter un renforcement des pouvoirs de cette institution en matière militaire. Une opération qui consommera des moyens très conséquents, au détriment d’autres budgets.